Présentation du n° 58 : "Les migrations pour le meilleur et le pire"

Il y a peu de temps encore, l'immigration était à la une des médias. On parlait d'hommes et de femmes qu'on qualifiait d'immigrés, d'étrangers... Une attention intéressée. Nous étions alors en campagne électorale. D'aucuns voulaient renvoyer ces envahisseurs indésirables. D'autres défendaient leurs droits. Et tous donnaient leur avis. Les républicains et ceux qui l'étaient moins. Les catholiques et les laïcs. Les élus et les évêques....

Aujourd'hui, les immigrés n'alimentent plus guère les discussions. Est-ce pour autant que leur existence est plus sereine, surtout lorsque leur séjour en France est illégal ? Les expulsions de sans-papiers ont-elles cessé ? L'intégration des immigrés et de leurs enfants progresse-t-elle ? La xénophobie s'est-elle atténuée ?

Nous ne sommes pas sûrs de pouvoir donner des réponses positives à ces questions. Mais notre vigilance et notre engagement pour le respect des libertés et de l'égalité sont toujours nécessaires afin que la démocratie reste une réalité vivante. D’où l’état des lieux proposé dans ce dossier pour continuer à lutter contre les préjugés et les discriminations dont sont victimes les immigrés.
Jean-Paul Blatz

Les enjeux politiques et éthiques des migrations (interview de Catherine Wihtol de Wendel). Spécialiste des migrations de renom international, cette politologue et enseignante à Sciences Po Paris nous rappelle les enjeux géopolitiques et éthiques des migrations. Leurs causes démographiques, économiques et politiques. Les réactions des pays d'immigration. A quelles conditions les migrations sont-elles bénéfiques pour les migrants et leurs hôtes ?

Politiques d’immigration en France et instrumentalisation des étrangers [Jean-Paul Blatz]. Au niveau économique et politique les migrations sont soumises à des logiques contradictoires. Le libéralisme prône une libre circulation de la main-d'œuvre facilement importable en cas de pénurie et facile à refouler en période de moindre production. Mais les Etats s'en tiennent toujours à un contrôle régalien de l'immigration. Particulièrement renforcé en période de crises. L'immigration devient alors un sujet politique majeur. Certains n'hésitant pas à instrumentaliser les "étrangers" par des discours populistes et xénophobes, dans une optique électoraliste. L’actuel gouvernement de gauche est-il plus respectueux des droits humains que le gouvernement de droite auquel il a succédé ?

Les idées reçues sur les migrations [Françoise Gaudeul]. Il convient d'abord d'invalider les "idées reçues" sur les migrations. Celles affichées par certains politiciens d'extrême droite et colportées sans honte à certains comptoirs de bar. Les immigrés prennent le travail des Français et ruinent la sécurité sociale. Eux et leurs enfants agressent les vieilles dames.... Peut-on répondre à ces amalgames irrationnels entre immigration, chômage et insécurité ? Ne vaut-il pas mieux s'en tenir avec assurance et fermeté à la réalité : les immigrés rapportent plus à la France qu'ils ne lui coûtent ?

L’intégration des immigrés [Lucienne Gouguenheim]. La France refuse le communautarisme. Elle prône l'intégration des nouveaux venus et de leurs enfants. Par le service public et laïc de l'éducation nationale, par la mixité de l'habité, par le travail et la vie associative... Pour quels résultats ? Une intégration qui prend son temps : les constats concernant les conditions de vie sont généralement défavorables aux immigrés, relativement au reste de la population, mais ils le sont moins pour les descendants d’immigrés,.

Migrer : un espoir et souvent un drame [Jean-Marie Guion]. Partir pour un avenir meilleur. Un espoir partagé par des millions de personnes dans le monde. Une issue dramatique pour nombre d'entre eux. Un voyage périlleux à la merci de passeurs. Quelquefois un refoulement dès l'arrivée dans un autre pays. Une existence de sans-papiers lorsque de droit d'asile ou une carte de séjour sont refusés. Une situation de plus en plus fréquente. Une situation bloquée dans une Europe qui se veut une forteresse. Seule l'opinion publique pourra faire évoluer la législation actuelle. Par le soutien aux associations, par la participation aux manifestations qui dénoncent le non respect de certains droits humains...

L’étranger qui réside avec nous [Paul Ricœur]. En nous rappelant que la Bible relie l’accueil de l’étranger à la mémoire de l’exil, l’auteur nous invite à découvrir l’étranger en nous-mêmes. Le hasard qui a commandé ce que nous sommes, la langue que nous parlons ou le lieu où nous nous trouvons,
 commande l’hospitalité.

De toute tribu, langue, peuple et nation [Jean-Bernard Jolly]. Le Livre de l'Apocalypse constatait déjà la complexité des groupes humains et de leurs rapports à la terre lorsqu'il évoquait les tribus, langues, peuples et nations qui forment l'humanité. Comment définir aujourd'hui les termes : peuple, Etat-Nation, race, ethnie ?... Comment comprendre les attitudes différentes face à l'immigration dans les sociétés contemporaines, certaines étant plus universalistes (recherche de similitudes), d'autres plus différentialistes (mise en évidence des différences) ?